Les promenades de Robin
Les promenades de Robin
Mardi 1/11
Quelle belle promenade, je marche en forêt, sont pleins de belles feuilles de toutes les couleurs. J’en fais un bouquet pour Clara, elle adore ça ! La forêt est à la fois mystérieuse et foisonnante de richesses. Le Vent est un ami, quand j’arrive, on dirait qu’il me dit ‘’ bonjour Robin’’, il souffle une brise légère et vivifiante, la bruine coule lentement, il fait bon pour une journée d’automne Normande, surtout dans ce petit village de Grouges. Il est déjà 19h00, je dois rentrer à la maison, chez mes parents adoptifs et Clara, leur fille. Clara, je l’aime bien, elle m’aide au collège et vient me voir quand j’ai le cafard, et j’ai souvent le cafard, à cause de la mort de mes parents. Mes promenades, c’est une sorte de rituel : j’ai le droit un jour sur deux, il faut juste que mes devoirs soient faits à temps.
Jeudi 3/11
Je vais un peu moins bien depuis une heure. Je me promenais comme à mon habitude sur le sentier des ‘’noisetiers’’, comme à mon habitude quand j’ai aperçu un loup, s’approchant d’un buisson. Puis un homme en est sorti. Il était grand, pâle, livide même. Il était vêtu de noir et de rouge, ses cheveux mi-longs et noirs fins comme des ficelles reposaient le long de ses tempes, mais surtout … Deux canines longues et aiguisées lui sortaient de la bouche et ses yeux étaient pourpres. Un Vampire ? Bon, Halloween, c’était il y a trois jours. Un illuminé ? Après tout, pourquoi pas. Il vaudrait peut-être mieux ne pas en parler, au cas où … Je ne pourrais sûrement pas revenir en forêt.
Samedi 5/11
Je doute. Est-ce que je dois vraiment repasser par l’allée des ‘’noisetiers’’ ? Bon, j’essaie par celle des ‘’Acacias’’. Un buisson, aussi ? Après tout, on est en forêt. Je grimpe agilement en haut d’un arbre et j’observe attentivement le buisson, au cas où … Cette fois, ce n’est pas un loup mais une chauve-souris qui se pose derrière le buisson, et … Est-ce possible ? Le Vampire réapparaît. Bon, apparemment, personne ne lui a dit qu’Halloween, ça ne durait qu’une soirée. A moins que … Le doute me saisit, puis l’angoisse me vient. Soit je n’en parle qu’à Clara, soit je me tais sur ce sujet. Tout de même, un Vampire …
Lundi 7/11
Je ne retournerai pas en forêt aujourd’hui. J’ai invité Clara à venir se promener avec moi. Maintenant, on se dirige vers la bibliothèque de St-Lô. Elle veut lire un livre de Victor Hugo et moi, je vais me renseigner sur les Vampires. Je parcoure un livre sur le sujet lorsque je lis qu’un Vampire peut se transformer soit en loup, soit en chauve-souris. Il peut boire le sang de bétail mais mais lorsqu’il boit le sang d’humain, de licorne et de dragon il devient fou, son espérance de vie diminue alors de moitié, et la lumière lui est insupportable. Mais bon, ce n’est pas possible de rencontrer un vampire. De plus, ce livre est une légende. Pourtant, j’ai un pressentiment, une menace pèse …
Mercredi 9/11
Je me demande, être ou ne pas être, aller en forêt ou ne pas aller en forêt… De toute façon, il faut que j’en aie le cœur net. Je prends la direction du chemin des ‘’houx’’. Mais le désespoir me vient. Serais-je paranoïaque ? Serais-ce la réalité ? Bon, on dirait que le Vampire me suit. Je le sens, il est si près de moi que je sens son souffle froid et humide. Alors il n’est pas complètement mort. Je l’entends ! Je sens un frisson. Pas de froid, mais d’angoisse. Il est effroyablement laid, il rôde autour des buissons. Il doit éprouver de la solitude. Moi, ce que j’éprouve, c’est de la terreur. Je me pince, je ne rêve pas, non, je ne suis pas dans un cauchemar …
Samedi 12/11
Cette année, les profs on organisé la réunion avec les parents le samedi soir car hier c’était férié. Je ne suis pas allé en forêt pour la fête de l’armistice. Je suis donc là à attendre mon tour avec Clara et Edouard, un copain. Il me fait remarquer qu’une chauve –souris vole dans les couloirs du collège. Les enseignants sont contents de moi et de Clara, un peu moins d’Edouard. Je repense au Vampire, il doit me vouloir quelque chose … Je vais sûrement en parler, même si je ne veux pas. Mais à qui ? Je monte dans la voiture, mais quelque chose m’attire. Il est là, Le Vampire ! Je le vois ! Je le vois ! Je le vois !
Clara aussi regarde dans la même direction, je lui demande ce qu’elle voit, dans l’espoir qu’elle ait vu le Vampire, mais elle me dit qu’elle regardait la maison d’en face. C’est désespérant ! Elle ne le voit pas ! C’est désespérant !
Dimanche 13/11
On n’a rien de prévu ce dimanche, alors j’ai demandé l’autorisation d’aller en forêt. IL est là, LUI ! Je me fais un bâton, au cas où… Je marche le long de l’allée des ‘’noisetiers’’, en réfléchissant, quand soudain on m’interpelle.
Je me retourne et vois le Vampire à deux mètres de moi, je brandis mon bâton et l’assomme proprement. Et là, je découvre son visage. Quelle stupeur, en dépit de sa laideur, certains de ses traits sont ceux de mon père sur les photos ! C’est impossible, c’est irréel ! Je m’approche encore, trop tard, il se transforme en chauve-souris et détale sans demander son reste. Je rentre à la maison, la tête pleine de questions quand Clara m’annonce que l’on va déménager à Tagon, un petit village du sud/ouest de la France, où le père de Clara a été muté.
Mardi 15/11
Quelle triste journée ! Je n’arrive pas à me faire une opinion. Je suis heureux car je ne verrais plus ce Vampire, mais je suis malheureux car je quitte l’endroit où je suis arrivé à l’âge de deux ans, où j’ai grandi, où il y a tant d’histoire à raconter … Le trajet de Grouges à Tagon n’est pas très long, en train. Une fois que nous sommes arrivés et que nous avons installé le nécessaire pour la nuit et le lendemain, je me mis à explorer les environs… et croise … Le Vampire !! Je suis aux portes de la folie, ce n’est pas possible, il m’a suivi !! Il m’annonce qu’il repart à jamais à Grouges. Ce n’est pas possible, il n’y a qu’à moi que ça arrive. Lorsque je rentre, Clara est au téléphone. Elle raccroche et m’annonce qu’elle a un cadeau pour moi. Elle m’offre un livre sur les Vampires. Elle avait remarqué que je m’y intéressais.
Jeudi 17/11
Cette folie va-t-elle m’emporter ? J’ai consulté le livre de Clara, il était captivant, mais je ne vais pas bien. J’attends des réponses. Mais de qui ? Le Vampire est-il vraiment parti ? Sa voix rauque résonne encore dans ma tête, je n’en peux plus, ce n’est plus possible ! Je ne le supporte plus, j’ai envie de parler, mais je ne peux pas. Je suis devant la maison lorsque j’entends un ricanement. Je tends l’oreille … Puis je poursuis mon chemin, c’était une pensée. Je ne sais pas si je vais tenir encore longtemps, ce déménagement m’a plus éprouvé qu’aidé. Je ne sais pas combien de temps encore je vais pouvoir résister …
Samedi 19/11
Je n’ai toujours pas pu parler de mon tourment. Surtout, je me sens mal : il n’y a pas de grande forêt à Tagon, sauf une près d’un manoir, mais elle a l’air privée. Au collège, c’est comme avant, les profs sont contents de moi. Mais je ne vais pas bien, je crois même que cette aventure m’a donné de la fièvre. Je doute de moi, de tout … Je suis pareil à un lapin, à l’affût du moindre bruit, du moindre geste. Je suis nerveux, je risque d’attraper des tics, à force de stresser. Je commence à avoir peur de moi, des choses, de tout. Et si à force ce doute finissait par me vaincre, par me détruire, par m’emporter … Mais où ?
FIN
